Confessions d’un joueur professionnel – Christatos Aristad

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Christatos Aristad, gambler de métier, retrace son itinéraire d’amateur passionné à joueur professionnel. Ayant tout pratiqué – poker, craps, backgammon, euchre, blackjack en passant par les paris sportifs – Aristad porte un regard brut et décapant sur le monde du jeu qu’il connaît comme sa poche et offre ses conseils aux passionnés de jeux d’argent, qu’ils voient ceux-ci comme un plaisir, un plan de carrière ou leur source de revenus. Surtout, celui qui se qualifie lui-même de joueur de la vielle école, nous livre les clés d’un univers fermé, celui des salles privées, des tournois sans limites et des parties sans merci où la chance n’est pas la bienvenue et le talent fait toute la différence.

Cette interview est une traduction de celle publiée sur le site Art of Manliness

1. Tout d’abord, parle nous un peu de toi 

Je m’appelle Christatos Aristad. Je suis né à Londres et j’ai 52 ans. J’ai étudié à l’Université de Cambridge, uniquement par piston, et j’ai passé la majorité de mes 4 ans d’études à boire et à jouer contre mes camarades de classe. Puis, je suis passé en école de médecine pour accomplir mon rêve d’enfant, devenir médecin, et j’ai appris que mes habitudes personnelles – beuveries et jeux d’argent – ne correspondaient pas du tout à l’environnement dans lequel j’étais et j’ai abandonné au bout d’un an. J’ai commencé à jouer professionnellement à peu près un an et demi après et je n’ai pas arrêté depuis. […] Je suis en train de prendre ma retraite.

2. Pourquoi as-tu eu envie de devenir joueur professionnel? Quand as-tu su que c’était ce que tu voulais faire?

Lorsque j’ai foiré mon école de médecine. J’ai toujours été bon qu’à une seule chose, les jeux d’argent. Je voulais être médecin, mais j’étais bon aux jeux. Après m’être fait virer de l’école de médecine, je me suis rendu compte que c’était parce que j’aurais été un mauvais docteur, alors j’ai décidé d’essayer de devenir joueur professionnel. Après un peu de temps à jouer des petites parties et des petits casinos, j’avais économisé suffisamment pour tenter des plus gros coups. Au bout d’un certain temps, j’ai reçu un coup de fil d’un type plein d’argent, qui voulait le jouer mais qui ne pensait pas pouvoir gagner seul. Il a payé mon entrée, j’ai joué la partie, et nous sommes tous deux sortis de là plutôt contents. Cette performance m’a valu une invitation à une prestigieuse table de paris à Londres, le “Portland Club“, qui m’a lancé dans cet univers. Après, j’ai accumulé tous les contacts qu’il fallait à l’époque pour gagner de quoi manger, me loger, et porter un costume.

3. Beaucoup d’hommes jouent pour le plaisir. Comment as-tu réussi à passer du statut de joueur de loisir à celui de professionnel?

Un mélange de nécessité et de pur plaisir. Il n’y a pas eu de déclic après lequel je me suis retrouvé joueur professionnel, plutôt un moment où je me suis rendu compte que je n’avais aucune autre source de revenus. A cet instant, j’ai décider de continuer à gagner ma vie en jouant et en profitant des hommes fortunés qui rêvaient de parties de poker, de bridge, de backgammon, d’euchre et de craps. En y repensant, j’imagine que c’est un  peu comme faire partie d’un groupe de rock, sauf avec des cheveux courts, pas d’instruments, et une bonne hygiène. La deuxième partie, c’était l’accès. Obtenir une invitation au “Portland Club” fût, pour moi au moins, une chance en or. […] Avec les gens que j’ai pu rencontrer là-bas et, surtout, celui qui m’y a invité, tout est devenu possible.

4. Tu as souvent joué avec l’argent des autres. Peux-tu expliquer comment ça fonctionnait et comment tu te débrouillais pour trouver des sponsors?

[…] Certaines personnes ont de l’argent et souhaitent l’investir dans des parties et dans des joueurs, les agents agissent comme intermédiaires et comme dénicheurs de talent […] Le problème est donc d’être découvert. Pour être honnête, je ne sais pas trop comment cela fonctionne de nos jours. Quand je jouais, même en étant pauvre il suffisait d’être un meilleur joueur, de jouer pour des riches qui pouvaient à peine tenir leurs cartes, et de suivre les évolutions du secteur. Aujourd’hui, ça a bien changé, avec l’attrait des tournois pour les talents émergents, malgré le fait que les joueurs gagnent moins sur le long terne et que nombreux se vouent au poker ou au blackjack au détriment du baccarat et du craps. […]

5. Qu’est-ce qui te plaît mieux dans ton travail?

L’adrénaline. J’ai fait beaucoup de choses dans ma vie en dehors des salles de jeu, mais rien de comparable à jouer avec des vrais joueurs. L’excitation qui monte à mesure qu’on commence à contrôler la partie. Le moment où vous vous apercevez que vous dominez la table, la réduction mathématique de la pile de jetons de chaque joueur. Le duel permanent entre vous et l’autre vainqueur. Chacun des moments exceptionnels qui vous rappelle pourquoi vous méritez votre place à cette table. Gagner est vraiment une baisse de pression après cette montée d’adrénaline. Je souhaiterais que les parties ne finissent jamais. Mais si vous faites trop durer le plaisir et ne portez pas le coup de grâce, vous perdez la maîtrise, et ils vous dévorent. Le prix de cette poussée d’adrénaline, c’est que c’est à vous d’y mettre fin. Un constat terrible quand vous y arrivez enfin.

Mais ce n’est pas cette lucidité qui sépare les pro des amateurs. Un pro apprécie ce qu’il fait, mais il sait qu’en fin de compte il doit limiter ce qu’il fait au business. Malgré tout le plaisir qu’il peut obtenir, s’il perd de vue cette finalité, il creuse sa propre tombe. Un amateur ne conçoit pas ce qu’il fait en tant que tel. Il pense pouvoir équilibrer plaisir et argent, et continuer de surfer sur cette vague d’excitation. Il a tort. Dans ce secteur, comme dans tous les autres aspects de la vie, il faut mûrir. Pour un certain temps, il est facile de jouer par plaisir et pour l’argent, et vivre pour cette adrénaline, mais au bout d’un certain temps, si vous ne grandissez pas, vous vivrez sur le fil du rasoir à chaque fois que vous jouerez. Parce que dans chaque partie il y a un moment critique ou le plaisir doit cesser et les affaires doivent commencer, et il faut ranger la compétition. Un amateur n’apprend jamais à appréhender cet instant fatidique à sa juste valeur et gagne par chance ou par habileté. Du moins jusqu’à ce qu’il se frotte à un joueur expérimenté qui connaît suffisamment bien le jeu pour survivre assez longtemps pour apprendre son style et le ruiner une fois qu’il a épuisé ses astuces. J’ai vu ceci au moins une demi-douzaine de fois, et ce n’est jamais beau de voir un jeune plein d’envie se faire plumer par quelqu’un qui n’a pas vraiment besoin de l’argent et voit cela avant tout comme une leçon. A mon avis, le fait que le principal avantage du métier soit aussi son plus cruel défaut en dit long sur la profession de gambler.

6. Qu’est-ce que tu aimes le moins dans ce métier?

Jouer sur les sports. Que ce soit les courses hippiques, des matchs amateurs ou professionnels, peu importe. A chaque fois qu’un backer venait vers moi ou mon agent avec un gros tas de billets et nous demandais de lui faire un pari sur la saison à venir de son sport favori, on était dépités. En jouant un jeu, vous pouvez tout au plus contrôler 50% des variables. Mais en pariant sur des sports, vous ne contrôlez rien. Tout ce que vous pouvez faire, c’est de jouer les cotes, et ça ce n’est que le hasard. Et le hasard est la plus grosse salope au monde. Elle vous prendra tout sans rien demander […]

Les choses que j’ai vu le hasard faire à des parieurs au fil des ans sont vraiment moches. […] L’infime pourcentage de gagnants est choisi statistiquement au hasard pour vous vider les poches ainsi que celles de la majorité des joueurs, de sorte que la récompense à la fin soit suffisamment conséquente pour maintenir l’intérêt des gens et leur participation. Et le mot pour vous décrire, de même que la grande majorité des joueurs, c’est “perdants”. Tout les jeux d’argents reposent sur ce système, mais les paris sportifs sont tellement directs que je ne peux pas ne pas confronter cette réalité. Ça me met mal à l’aise. Dans une partie, vous pouvez dire sans trop de risque de vous tromper que chacun présent est en pleine possession de ses moyens et connaît le score, mais avec les sports, le système est complètement pourri de fond en comble.

7. Quelle est la plus fausse des idées reçues  au sujet de ton travail?

Que ce ne sont que des chiffres. Compter les cartes, connaître les probabilités, ce n’est pas le but. Si vous ne pouvez pas lire votre adversaire, vous êtes voués à vous tromper dans très peu de temps. De plus, il n’existe pas de “signal” qui vous permet de décrypter votre adversaire. […] Au contraire, il existe des séries, tout un système de tics et de tocs qui traduisent bien plus que BIEN! MAL! MENSONGE! VERITE! Si vous ne connaissez pas les gens et leur fonctionnement, vous allez perdre beaucoup d’argent, très rapidement. De plus, j’ai l’impression que les gens imaginent que pour gagner au poker en ligne contre ordinateur, il suffisse de découvrir la formule pour toujours gagner. Ce n’est pas le cas. Reconnaître des séries et des probabilités est bien utile pour battre la maison, mais pour un pro, battre celle-ci n’est pas le problème. Le problème c’est de battre les gens qui possèdent déjà la maison, un chalet, et plusieurs maisons de vacances. Ces gens n’ont que faire des probabilités. Ils s’intéressent d’avantage à vous, et vous à eux. C’est comme jouer aux cartes avec des loups. Ils sentent votre peur.

8. L’équilibre entre vie professionnelle et vie privée est-il atteignable dans le métier ?

Un coup vous avez l’un, un coup l’autre. Il n’y a pas d’équilibre. Quand la partie est organisée et que le financement est arrivé, vous montez dans l’avion. Les gens qui organisent les tournois et ceux qui payent votre billet d’avion n’ont que faire de savoir si votre femme est enceinte, si votre fille perce ses premières dents, ou si votre fils est dans le spectacle d’école sur les fruits et légumes ou je ne sais quoi d’autre. Soit ils trouvent quelqu’un d’autre, soit ils ne jouent pas. J’ai connu certains joueurs qui avaient une famille, mais je le déconseille. Ce regard vide lorsqu’un homme ou une femme s’assoit à table pour fêter l’anniversaire de leur enfant est sans doute la chose la plus triste au monde, et personne ne peut jouer pour quoi que ce soit dans ces conditions. […] Un boulot est un boulot, et si vous vous retirez ne serait-ce qu’une seule fois, on risque de ne pas vous rappeler. Il ne s’agit pas de dire que vous ne pouvez pas sortir avec qui vous voulez, mais juste de savoir que si vous souhaitez fonder une famille avant votre retraite, il vaudrait mieux s’orienter vers un travail qui vous le permettra plus aisément, comme gangster ou scaphandrier.

9. Certains disent que jouer aux jeux d’argent n’est pas une profession respectable. Comment réponds-tu à ces critiques?

Je suis entièrement d’accord. En revanche, jamais je ne me suis assis à une table avec quelqu’un qui n’avait pas envie d’y être. La vérité est que les vrais pros ne sont pas du genre à s’asseoir à une table publique à Las Vegas avec Bob qui vient de miser sa ferme sur sa dernière main de Blackjack. On ne joue pas à des tables à $5,00. On ne joue pas à des tables à $500,00. A moins qu’il y ait un manque de place, on joue dans des salles privées, et on joue sans limites. On joue avec des gros sous et on sait ce que l’on fait. Si quelqu’un à une table place un pari qu’il ne peut pas se permettre de perdre, je suis sans pitié. Ce n’est pas un jeu pour s’amuser, et tout homme d’affaires se doit de savoir qu’il ne devrait jamais s’endetter au delà de ce qu’il peut gérer. La récompense doit toujours être à la mesure du risque, et aucune récompense ne vaut de perdre sa maison sur un coup de dés.

Quant aux gens qui se ruinent dans un casino ordinaire, je n’ai que très peu de pitié. Les jeux d’argents ne sont pas un moyen de se faire de l’argent à moins que ce soit votre métier. C’est parfait pour s’amuser et perdre sa chemise, mais n’importe qui qui s’y connaît un peu en statistiques sait que même si les casinos ne penchaient pas les chances en leur faveur, elles le seraient déjà, et ce même si statistiquement vous étiez un joueur idéal faisant des choix et des paris parfaitement rationnels à chaque fois. […] Les casinos savent que dès que vous rentrez chez eux, les probabilités sont en votre défaveur. Mais si vous souhaitez jouer et y gagner, mon seul conseil pour vous est de jouer contre les autres joueurs, pas contre la maison.

10. As-tu d’autres conseils, astuces, ou anecdotes que vous souhaiteriez partager?

Oui, et bon nombre à dire vrai. Mais je vais me cantonner à trois conseils. […]

Ne pariez jamais un centime de plus que ce que vous pouvez vous permettre de perdre. Il n’y a pas de récompense dans les jeux d’argent qui vaille la peine de s’endetter auprès de gens qui sont prêts à vous laisser jouer. Pariez uniquement de l’argent dont vous n’avez pas besoin. Comment définirais-je  besoin? A moins d’être un professionnel je vous déconseille fortement de mettre en jeu plus de 15% de votre revenu disponible mensuel. Ça, c’est ce dont vous n’avez pas besoin. Une petite part de votre budget loisir pour le mois. Si vous devez économiser pendant des mois pour faire des gros paris, c’est un signe de Dieu, Allah, Vishnu, Buddha, votre banquier, ou qui que ce soit, vous disant de rester à des tables à $5,00 et de jouer serré. […]

Dans un jeu de cartes à 5 joueurs, peu importe le jeu ou les règles, après une heure de jeu ou 10 mains il y a 2 gagnants et 3 perdants. Si vous ne savez pas qui sont les gagnants, c’est que vous êtes parmi les perdants. Si vous êtes dans les perdants, quittez la table. Les gagnants gagnent parce qu’ils sont meilleurs que vous, pas à cause de la chance. La chance ne dure jamais assez longtemps pour vous sauver de vous-même. Si vous êtes dans les gagnants, essayez de voir si vous êtes le gros gagnant ou le petit gagnant. Si vous êtes le petit gagnant, jouez la sécurité. Si vous êtes le gros gagnant, ne laissez pas ça vous monter à la tête, sinon vous deviendrez comme par magie le petit gagnant, puis un perdant. […]

Ne laissez pas courir. Ne jamais, sous aucun prétexte, laisser courir. Empochez vos gains, puis choisissez un nouveau pari. Les dés ne vous aiment pas, les cartes ne sont pas magiques, vous n’êtes pas chanceux ce soir […] Vous me remercierez plus tard. Et sinon, vous auriez dû écouter votre mère quand elle vous disait de ne pas jouer avec votre argent.

Que vous soyez étudiant, salarié, ou chômeur, si vous aussi vous souhaiter intégrer le poker à votre vie professionnelle, retrouvez nos conseils pour réussir ici.

Retrouvez l’intégralité de cet entretien, en version originale, sur le site: http://www.artofmanliness.com/2009/06/03/so-you-want-my-job-professional-gambler/En savoir plus sur le sujet :

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